Par où commencer? Je disais à l’une de mes cousines que je m’attachais beaucoup aux personnages des livres que je lis et elle m’a trouvé trop sensible. Pourtant c’est moi qui n’arrive pas à comprendre que l’on puisse lire sans inexorablement ressentir les moindres émotions des personnages. Avec ce livre, Khadi Hane m’a obligée à partager la peine de certains protagonistes, incluant même ceux que j’aurais surement condamnés (sans en avoir le droit) en d’autres circonstances. Au-delà d’une histoire d’amours interdites, elle nous apprend à mettre les chaussures de l’autre avant de le juger.

Je me suis rendue compte à la fin du livre que je ne connaissais pas le nom du personnage principal. Et pour cause, toute la narration se présente – sans aucun dialogue – comme une sorte de journal au travers duquel l’héroïne relate son expérience de la famille, du mariage, du désir, de l’amour, de l’amitié, de la tradition et de la modernité. Comment une jeune femme ayant grandi et vivant dans la grande ville de Dakar, mariée à l’un des hommes les plus convoités du pays, peut se retrouver amoureuse d’un paysan, quand bien même fils de chef et lutteur admirable ?
C’est pourtant l’histoire de la narratrice qui, en mission pour la construction d’un dispensaire à Niakhane, éprouve une passion dévorante pour le sérère Diogoye Sène. S’en suit une lutte perdue d’avance contre des sentiments qui font fi des remontrances du chef de Niakhane, des valeurs islamiques inculquées depuis l’enfance, et même des vœux de mariage prononcés cinq années plutôt. Pourtant il n’y a pas si longtemps, l’épouse de Karim était prête à jeter la première pierre au mari de son amie qui l’avait abandonnée pour plus jeune qu’elle. Elle n’avait pas voulu croire que Georges put être véritablement amoureux d’une autre. Elle ne comprenait pas que l’on puisse aimer une autre personne que celle à laquelle on était lié pour le meilleur et pour le pire. La seule explication qu’elle y trouvait alors, était l’envie que tous les hommes avaient de vouloir assouvir leurs désirs bestiaux sans tenir compte de la femme blessée. Et la voilà qui se retrouvait dans la même situation, incapable malgré tous ses efforts, de résister à l’appel du corps et des caresses rudes de Diogoye Sène. En quittant Niakhane à la fin de sa mission, elle emporte avec elle ses souvenirs mais aussi un collier de paille, preuve du fait qu’elle ait été la seule femme que Diogoye n’ait jamais aimé, malgré ses deux épouses et ses deux enfants. Il vous faudra lire pour savoir comment elle survivra sans celui qu’elle considère déjà comme sien…
L’opposition entre la tradition et la modernité, le village et la ville, est un thème qui revient fréquemment dans les livres d’auteurs Sénégalais que j’ai lu. Avec Le collier de paille, l’écrivaine nous plonge au cœur d’une passion entre deux êtres que tout sépare. Khadi Hane nous introduit également dans la vie commune des Sénégalais ; et j’ai beaucoup aimé cette focalisation sur l’héroïne du livre, ses pensées, ses convictions, ses sentiments… J’y ai découvert à la limite de l’écœurement, comment est-ce que le jour censé être le plus beau de sa vie a été transformé en un cauchemar. C’est une satire sur les mariages pompeux servant uniquement à exhiber des fortunes bien ou mal acquises. De la relégation de la jeune fille au rang d’une marchandise qu’il faut acquérir au prix fort. De la perte des jeunes villageois cherchant fortune en ville. Des dangers de la drogue, et comme souvent au pays de la Téranga, du recours aux marabouts, vendeurs d’illusions vivant aux crochets de leurs victimes. Toutefois, bien que dénonçant certains maux de la société sénégalaise, ces lignes conteuses d’amours légitimes et clandestins, restent pleines de sensualité…
Enfin vous l’avez compris, j’ai beaucoup apprécié Le collier de paille, un livre sur l’amour mais loin des histoires à l’eau de rose. Quand vous avez un un chagrin d’amour, c’est le genre de roman qui vous dira que votre situation n’est pas si déplorable. Malgré ma compassion pour l’héroïne et son Diogoye, j’ai eu du mal à comprendre qu’on puisse se laisser autant enivrer par un amour hors mariage. J’espère que vous aurez l’occasion de découvrir cette œuvre et de vibrer vous aussi au rythme des tambours de Niakhane.
T.S

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