Anzata Ouattara
Altiné, ce nom acoustique, suggère la beauté de celle qui le porte. Elle est le personnage principal de cette œuvre. C’est une femme à la beauté africaine, aux
rondeurs qui disent long sur l’inspiration du Dieu créateur, l’artiste de ce chef d’œuvre. Altiné est issu d’une famille musulmane et d’un père polygame. Sa mère qu’elle appelle affectueusement Maman Tatou, ne savait pas qu’en sacrifiant sa jeunesse par amour, en affrontant ses parents par amour, en subissant le reniement de ses parents par amour, en fuyant son pays par amour, elle aurait la récompense de partager son  homme avec d’autres coépouses et de se souffrir des douleurs suicidaires d’une désillusion sentimentale. Maman Tatou sublimait ce manque d’amour dans l’éducation de sa fille Altiné, son unique fille qui avait désormais le monopole de son cœur. A l’âge de 17 ans, la logique du destin rapprochait de tout son pouvoir magnétique les cœurs d’Altiné et Malick. Ils s’unirent devant Allah le Tout Puissant quelques années après. Leur relation avait un envol équilibré par les ailes de la foi religieuse et de l’amour quand la chute sans parachute fut d’une brutalité troublante : Malick décida de prendre une seconde épouse après quinze années de vie conjugale. Quelle était la raison de cette décision inattendue ? Etait-ce un éventuel manquement d’Altiné qui s’évertuait d’être l’épouse exemplaire ? Etait-ce pour obéir à l’une des lois de l’Islam ? Etait-ce pour des raisons d’insatiabilité liées au genre masculin ? L’Islam autorise certes la polygamie mais certaines femmes de nos jours trouvent ce choix anachronique et superfétatoire. Altiné n’était pas prête à subir cela. A la page 25 elle disait : « Savoir mon homme dans les bras d’une autre, l’accepter au nom de la religion et m’en accommoder : une véritable épreuve. »
Edith se disputait farouchement la part de marché contre Altiné dans le cœur de Malick. Edith gagnait grandement du terrain, et utilisait son influence financière pour embastiller toute la famille de Malick. Les attitudes de Malick envers son épouse Altiné la comparait à un arbre ménopausé en plein désert, souffrant de la charité d’une goutte d’eau providentielle. Altiné se retrouvait seule avec ses enfants et le seul soutien de sa mère : sans attention, sans affection, sans amour, un cœur en hibernation, une femme en panne sèche d’intimité depuis dix huit mois et même plus. Ne dit-on pas que « la nature a horreur du vide ? »  Voilà qu’une assiduité d’attention et d’affection désintéressée de Jean Marc a fait naître une idylle entre Altiné et celui-ci.

Altiné trouva enfin dans son nouvel amant la somme des compensations qui lui permettront de transcender cet état de décrépitude. Mais Jean marc est marié etrespecte sa femme. Altiné est aussi mariée et les règles de l’Islam rendent complexe le divorce initié par une femme. Voilà qu’après avoir déserté insouciamment son lit conjugal après une durée relativement longitudinale d’environ trois ans, Malick revient dans la vie d’Altiné comme un enfant prodigue au moment où cette dernière et Jean Marc vivent l’intensité de leur relation. Quel sera le choix d’Altiné ? Quand vous achèterez le livre, vous le saurez bien évidemment. Sur la page de couverture, l’image est celle d’une femme voilée avec l’expression d’un visage interrogateur et peu triste. Une femme musulmane pieuse qui se pose certainement plusieurs questions. Les couleurs du rouge dégradé expriment une passion qui s’altère progressivement. La couleur du jaune est celui de l’espoir. Toute une sémiologie qui donne une idée sur le contenu du roman : l’espoir derrière l’altération d’une passion en dégradation progressive. Mais le détail qui attire l’attention est que sur ce livre, il n’est pas simplement mentionné le nom de l’auteure comme il est de coutume. Il est plutôt écrit « roman de anzata ouattara ». Et toutes les premières lettres des noms sont écrites en minuscules : (altiné, anzata ouattara). Par cette volonté ostentatoire d’affirmé la maternité de cette œuvre : « roman de anzata ouattara », l’on interprète la réplique de l’auteure à qui certains (lecteurs, écrivains, critiques littéraires) qui lui reprochaient l’incapacité d’écrire une œuvre littéraire de sa propre imagination avec un style d’écriture propre, qualitatif et original. Plusieurs lui disaient qu’elle devait son talent et ses prix aux récits des fidèles lecteurs de ses magazines qu’elle exploitait. Les noms écrits en minuscules semblent rattraper cette intention d’affirmation de soi pour équilibrer l’orgueil et le désir d’humilité.
Dans ce roman, Anzata nous situe dans le cœur de la réligion musulmane en posant le problème de la condition de la femme dans un foyer polygame. Les problématiques suivantes sont posées : Quelles sont les conséquences de la polygamie dans un foyer musulman ? Le choix de la polygamie et l’équilibre familial ? Peut-on être polygame et être juste envers ses épouses ? Quels sont les effets du modernisme sur les lois de l’Islam ? Par le choix de la polygamie, l’Islam garantit-il l’égalité des genres ?
Si l’Islam est soumission, cela ne veut en aucun cas dire mutisme sur les problèmes qui touchent les femmes par la conséquence de la mauvaise pratique de cette religion. Cela ne veut dire que l’Islam privilégie un genre au détriment d’un autre. C’est en cela que certaines auteures comme Anzata éduquées selon les principes de cette réligion utilisent leur plume pour attirer l’attention de tous sur la condition de la femme dans la société qui se débarrasse progressivement de son manteau handicapant d’analphabétisme et d’illettrisme.
Anzata insiste sur le fait que si la polygamie est autorisée par l’Islam, elle ne doit être utilisée comme le moyen d’une finalité par les hommes dont l’infidélité semble leur être consubstantiel. Les hommes utilisent la religion comme couverture pour toujours justifier leurs vices. C’est le cas de Malick à qui l’Imam donne des conseils à la page 71 : « Si tu es incapable d’être juste et équitable envers tes deux épouses, alors la polygamie n’est pas faite pour toi. L’Islam est basé sur l’honnêteté. Et cela est un élément très important dans la foi. Lorsqu’on s’engage à être polygame, c’est qu’on a accepté d’être juste et équitable. Il faut donc l’assumer. L’éducation réligieuse ne consiste pas seulement à prendre ce qui nous arrange et à ignorer ce qui nous semble contraignant. ». Par l’histoire du personnage « Madeleine », l’auteure présente le cas des femmes qui n’ont aucune appartenance religieuse et qui en réponse à l’infidélité de leur homme appliquent la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ». L’auteure invite les hommes à s’interroger sur un éventuel changement de rôle et sur l’image d’une société dans la cas de figure où les femmes se comportaient comme eux les hommes phallocrates et égoïstes. Son récit est embelli par l’insertion récurrente d’une série imaginaire Brésilienne dont la chute de l’histoire s’harmonise avec la chute de l’histoire d’Altiné et suscite ces interrogations : Quel compromis faut-il consentir entre les lois religieuses, les lois sociales et les lois du cœur qui semblent souvent se marcher sur les pieds ? A qui faut-il donner raison quand chacun clame sa raison ?
 
Yahn Aka, in L’intelligent d’Abidjan.

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