Les 2 et 3 avril 2016,  Afrika Toon projette au Palais de la Culture de Treichville, son dernier film d’animation “Wê, l’histoire de masque mendiant”. Abel Kouamé, Directeur Général de Afrika Toon, et son équipe signe là leur troisième réalisation. Afrika Toon est l’un des studios les plus productifs en Côte d’Ivoire. En 2013, il réalise le premier film ivoirien d’animation avec « Pokou, princesse Ashanti »
L’animation est en effet une industrie naissante en Côte d’Ivoire. Des studios locaux ont cependant décidé de s’y impliquer.
Mais que de frustrations et d’insatisfaction enregistrées sur le chemin. Pierre Marie sindo, co fondateur et réalisateur de sinanimation, a dû attendre 3 ans avant d’avoir un diffuseur pour la série « C’kéma », la télévision nationale Ivoirienne n’étant pas intéressée.
C’Kéma réalisé par les studios Sinanimation
« A l’époque (en 2008) c’était vraiment compliqué pour les locaux de passer sur les antennes du service public à cause des conditions à remplir, explique t-il. Même si je crois que depuis lors les choses ont quelques peu  changé. Avant d’ajouter : Mais il est temps que la Côte d’Ivoire libéralise le secteur  parce que la télé nationale quelles que soit ses ambitions ne suffit plus. »
 
La diffusion
Le cadre d’expression. Voici l’un des problèmes majeurs auxquels font face les producteurs de dessins animés en Côte d’Ivoire. Les studios d’animation en ont pourtant besoin pour faire connaître leur travail. Afrika toon souffre de ce manque d’exposition sur le territoire national. Malgré son statut de pionnier dans l’animation en Côte d’Ivoire, il peinait encore à faire aboutir une entente sur la projection de son dernier film, « Wê, l’histoire du masque mendiant » dans les  salles de cinéma du Majestic, celles-ci donnant la priorité aux blockbusters américains. Mais Nganza Hermann, directeur artistique à Afrikatoon, affirme qu’il existe des alternatives à une telle situation. Si le Majestic détient le monopole des salles de cinéma (Sococé et Prima), des institutions en possèdent des espaces exploitables pour des projection.

Les salles de cinéma se comptent sur le bout des doigts et la télévision nationale n’est pas prompte à diffuser les œuvres made in Côte d’Ivoire. Lulu castagnette, Crafty kids, Kung Fu Panda, La reine des neiges, Trolls de Troy, Mini loup… les productions européennes sont privilégiées sur le petit écran. Sanga Touré, responsable de l’achat d’œuvres pour diffusion sur la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), explique cette préférence par la quantité et de la durée insuffisante des productions ivoiriennes. Pierre Marie sindo confirme :
« En terme de quantité, il n’y a pas match donc c’est tout à fait évident. Mais si on veut que les choses changent il faut pour nos productions nationales multiplier les canaux de financement afin de pouvoir enchaîner les productions. »
 
Le financement
D’ailleurs les maisons d’animations elles même, dans le souci de rentabiliser leurs réalisations, se sont longtemps tournées vers les pay TV (Canal+, TV5…) avant de contacter les chaînes locales gratuites. Produire un film d’animation demande de lourds investissements et les financements se font rares.
En 2010, le studio Sinanimation vend au média français TV5 Monde, 60 épisodes de sa mini-série humoristique « C’Kéma ».
« Il faut peut-être avoir recours à des investisseurs étrangers qui comprennent ce secteur car ils ont eu la volonté de le comprendre un jour. Ce qui n’est pas le cas chez nous », pense Linda Manouan qui a été coordinatrice en production chez DHX Média, une société canadienne de médias.D’origine ivoirienne, elle est l’une des rares femmes Africaine, à exercer dans l’animation. Basée au Canada, elle a pu prendre la température dans son pays à l’occasion de ses différents passages.
La production et la distribution d’un dessin animé demandent un budget conséquent. Afrika toon a investi 130 millions dans la conception du film « Pokou, Princesse Ashanti ».
Que disent ces autorités publiques ?
“La direction du cinéma en Côte d’Ivoire s’implique davantage dans l’industrie de l’animation en co-produisant ou en subventionnant la promotion des réalisations ivoiriennes.” assure Madame Diomandé Lison, Directrice du cinéma en Côte d’Ivoire.
Les studios Arobase et Afrika toon sont les deux à être entrés en contact avec la Direction. Le premier a reçu l’accord de principe pour accompagner un projet de film destiné à la promotion de langue maternelle et  le second a été soutenu pour sa participation au Fespaco. Selon, Madame Diomandé, le budget alloué à la promotion de la production cinématographique concerne également l’animation. Elle précise cependant qu’il faut en plus de solliciter l’aide de la direction, présenter un projet crédible et méritoire.
 
Rassembler les acteurs
Se  pose ici le besoin d’avoir une plateforme d’échange qui rassemblerait les acteurs de l’industrie de l’animation (Réalisateurs, Producteurs, Médias, autorités publiques…). Le FIDAYAM (Festival International du Dessin Animé de Yamoussoukro) lancé en 2014 s’est donné pour mission ce rassemblement visant à rendre visible un secteur encore sous-estimé. Le Festival semble cependant méconnu du grand public et des premiers intéressés, les producteurs. Ces derniers ont créé l’association Ivoirienne du Film d’animation (AIFA) qui existe depuis près d’un an, avec le but de renforcer les capacités et la visibilité des studios d’animation
« Pokou, Princesse Ashanti » réalisé par Afrika Toon
 
La formation
«On a fait appel à moi pour proposer des cours liés au film d’animation,  qui ont été validés, dans le but de  former les étudiants d’une école sans aucun matériel !J’ai juste expliqué la chose suivante: c’est comme me demander d’apprendre à un enfant à faire du vélo sans vélo ! »
Diplômée en Film d’Animation à l’Université Concordia, et forte de cinq années de production, Linda Manouan sait de quoi elle parle quand elle dit que la formation en matière d’animation en Côte d’Ivoire doit être améliorée. Jusqu’en 2014, il n’existait pas d’écoles avec un programme académique incluant une spécialisation en animation. Les artistes étaient soit autodidactes comme Pierre Marie Sindo, soit inscrits à une formation accélérée  comme Abel Kouamé.
Aujourd’hui l’Esma (Ecole de spécialités Multimédia d’Abidjan) et l’ISTC proposent un programme académique en animation. L’AIFA quant à prévoit mettre en place un programme d’initiation et du perfectionnement en animation, animé par des professionnels de renom. Petit à petit, on pourra donc voir des productions locales du même niveau et du même impact que « Aya de Yopougon », film d’animation écrit par l’ivoirienne Marguerite Abouet  traitant du quotidien ivoirien, mais produit par Autochenille Production, un studio français.
En dépit des problèmes relevés, les choses se mettent tant bien que mal en place.
En 2015, la RTI diffuse pour la première fois un dessin animé ivoirien, « Petit Kouakou », du lundi au vendredi sur sa première chaîne à l’heure du “Club des petits”.
On se surprend de moins en moins à voir  sur les écrans un dessin animé produit par un studio ivoirien. Il faut dire que Afrikatoon et sa série de films  a participé à cette médiatisation de l’industrie de l’animation en Côte d’Ivoire. Avec son projet de mise en avant des héros africains dans ses réalisations, Abel Kouamé a su intéresser les médias internationaux et éventuellement des investisseurs qui découvrent un marché de l’animation naissant. Les entreprises privées la sollicitent pour la publicité, les institutions pour la sensibilisation. L’information est plus attractive et donc plus efficace.
Orphelie Thalmas
 

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