Ce soir, la rappeuse sénégalaise Moonaya sera en concert live à l’institut Français d’Abidjan. Un public qui lui rappelle tant de souvenir et avec qui elle apprécie communier. Son engagement et ses influences négro-africains qui ressortent de sa musique, ses motivations personnelles et son combat pour les femmes, l’artiste nous a confié sans marcher les mots. Nous avions beaucoup appris sur son orientation musicale et ses perspectives le temps d’un entretien qui sonnait comme une revendication.

Moonaya sera en concert live ce 30 Novembre 2019 ç L’institut Français d’Abidjan

Par David Dolégbé

1. Après des recherches sur votre carrière nous nous sommes rendu compte que vous avez des origines sénégalaises et béninoises, est ce que ce cocktail de nationalité a influencé de façon culturelle votre musique ?

MOONAYA : Bien sûr que oui. Ma mère est de Bida au nord du Nigeria, mon grand-père est de Mondéris, un village pas loin de Bakel au Sénégal, la mère de ma mère quant à elle est de Jhonson au Togo et le père de ma mère lui, est franco béninois, du coup (rire) l’assemblage de ces belles nationalités m’influence d’une certaine manière, la preuve en est que, dans ma musique je glisse toujours quelques mots en langue, que ce soit de l’Haoussa, du yoruba du fon ou du milon, je ne mets pas de barrière , c’est vrai que je n’écris pas de couplet entier dans les langues, mais voilà ma musique reste fortement influencée par elles.

2. Vous avez fait un break avec la musique, avec des apparitions quotidiennes à la télévision. Qu’est-ce que ce temps d’absence vous a apporté ?

MOONAYA : En réalité ce n’était pas un vrai break, ma carrière était en standby à partir de 2008-2009 jusqu’en 2014, j’ai donc commencé à travailler pour des chaines de télévisions privées au Sénégal et aussi à la télévision nationale parce qu’il me fallait avoir de quoi  bien vivre, en attendant que ma musique prenne assez d’ampleur pour pouvoir me nourrir correctement. 

En 2014 j’ai décidé de revenir complètement à la musique parce qu’il est vrai que j’arrivais à subvenir à mes besoins, mais j’étais malheureuse car il  y avait ce goût d’inachevé par rapport à ma musique, je savais que j’étais faite pour cela. J’ai donc monté un nouveau band avec mes musiciens et la même année nous avons fait le MAMA à paris, nous  avons aussi joué au lingot d’or entre 2014 et 2015. Il faut dire aussi que nous étions présents à la plupart des grands spectacles du Sénégal, au festival Assalah maleckoum en Mauritanie,et également au Niger.

3. Nous aimerions savoir qu’est-ce que ce moment de silence, de restructuration, d’organisation vous a apporté au plan personnel ?

MOONAYA : Cette période m’a apporté beaucoup de maturité, le fait d’acquérir des compétences dans un autre domaine a été très enrichissant pour moi, c’est aussi une sécurité. Il y a eu de nouvelles skills,  la télévision est un monde sensiblement différent de celui de la musique, qui m’a permis de rencontrer d’autres types de personnes, de penser différemment et voilà en gros c’est tout ça.

4. Être une femme dans la musique n’est jamais facile. Encore plus dans un domaine comme le RAP engagé. Comment vous faites pour tenir face aux difficultés que ce statut incombe ?

MOONAYA : Comment je fais pour tenir ?  Dans petit oiseau je dis souvent, l’échec c’est dans la tête et de la même manière que l’échec c’est dans la tête, la réussite c’est dans la tête aussi, tout se passe dans la tête au fait. Les choses avant qu’elles ne se matérialisent, qu’elles ne se réalisent, sont d’abord conçues dans la tête, il faut donc avoir un mental fort, c’est ce qui me permet de tenir. Mais à cela il faut ajouter  ma spiritualité, ma foi conditionne tous les actes que je pose. Aussi, le fait de voir ce que suscite ma musique autour de moi, de voir les gens réagir positivement, les déclics que cela crée chez les plus jeunes, cela me rassure quelque peu. Je comprends que je ne fais pas ma musique en vain.

5. Pensez-vous qu’il faut plus de femme dans le RAP et surtout le style dans lequel vous évoluez ?

MOONAYA : Je pense qu’il faut plus de femme dans tous les domaines en fait, il faut plus de femme présidente de la république, parce que quand on vous laisse les reines des Etats, vous créez des guerres, vous semez la division juste pour avoir le pouvoir. Je ne pense pas que s’il y’avait des femmes présidentes on ferait cela parce que, nous les femmes, nous connaissons l’importance de la vie, c’est nous qui vous portons pendant 9 mois et donc je pense qu’on est plus à même de respecter cette vie-là. (Rire) Il faut plus de femmes partout, voilà que ce soit dans le rap, que ce soit dans les métiers de droit, en médecine, il faut plus de femmes partout.  Il ne faut plus que les femmes aient peur en se disant « non ça c’est un métier d’homme, ce n’est pas un métier de femme », il faut plus de femmes qui font de la plomberie, plus de femmes qui font de la mécanique, plus de femmes qui font de la menuiserie. Il ne faut plus qu’on se mette des barrières dans la tête. Nous devons avancer et prendre ce qu’on doit prendre.

6. Qu’est-ce cela vous fait d’être en Côte d’ivoire ? Avez-vous des souvenirs particuliers qui vous reviennent ?

MOONAYA : AH oui, il  y a beaucoup de souvenirs (Rire). La première fois que je suis venue en côte d’ivoire c’était pour représenter le Sénégal au 8eme jeu de la francophonie dans la catégorie chanson, j’ai vécu un grand stress pendant le concours, cela a aussi été  une grande joie de remporté la médaille d’argent que je n’espérais pas remporter. Il y avait moi qui représentait le Sénégal et Kusrby de la France donc je me suis dite waouh (rire) il n y a pas de rappeur ici c’est compliqué ; au final tout s’est plutôt bien passé. Je considère donc  la terre d’éburnie comme une terre bénie parce que mon premier sacre dans la musique je l’ai eu ici et c’est juste après cela que Sony Music Afrique m’a contacté et m’a signée.

Ce contrat avec Sony a décanté beaucoup de choses dans ma carrière, j’ai eu les moyens pour faire la musique que je veux sans aucune contrainte ; les conditions sont réunies pour que je puisse créer librement, pour que ma plume soit libre et ça c’est l’une des choses qui me motive le plus à être avec eux. Voilà la Côte d’ivoire c’est un peu tout cela, c’est aussi une grande famille pour moi, parce que j’y ai énormément d’amis, énormément de personnes que j’adore et qui m’adorent en retour, j’y ai beaucoup d’enfant, même des enfants à poy c’est grave hein (rire),c’est un peu comme chez moi et je me sens chez moi, mais c’est dommage à chaque fois que je viens c’est pour des courts séjours et je n’ai jamais le temps de voir tout le monde je suis tout le temps quoique j’essaie de voir le maximum de personnes.

7. Votre actualité est marquée par un live le 30 Août à l’institut Français, sur scène ça sera un spectacle avec un répertoire fidèle à ce que vous représentez ou est-ce que les ivoiriens auront droit à d’autres styles de musique ?

Moonaya : Pourquoi pas ? En fait les gens doivent juste venir et je vais les mettre dans mon monde, je ne prétends pas être une rappeuse hardcore, je ne prétends pas que tous les autres genres musicaux « c’est de la merde », je ne suis pas dans ce genre de délire au fait. Moi je me dis qu’on a la chance d’être sur un continent qui est hyper riche culturellement et que ce serait un crime de ne pas en profiter. Voilà donc ce que je vais dire aux gens c’est de venir parce qu’il y aura de la musique, il y aura  du texte (rire) on va beaucoup rire, on va beaucoup pleurer, on va réfléchir un peu et on va s’aimer à la fin (rire). 

8. Avec Sony Music, ça été un retour de qualité, le projet musical est séduisant, à quoi les fans de Moonaya doivent ils s’attendre dans les jours à venir ?

Moonaya : A long terme, il y a un album déjà enregistré qui doit sortir et sur lequel on travaille encore, si tu veux je ne fais pas de la musique cleanex pour moi chaque morceau est un bébé, un enfant. Je ne suis pas une artiste à buzz donc tu vois je fais de la musique je travaille et tant que je ne juge pas qu’un morceau est prêt je ne vais pas le sortir. Ce qu’il faut retenir c’est que l’album est là avec de super featuring.

9. Il y a des jeunes filles qui s’intéressent au rap comme Andy S. Un vent de jeunes filles qui s’intéressent au rap commencent à croire en ce domaine qu’est que vous pouvez leur donner comme conseil, leur donner des ondes positives pour leurs carrières ?

MOONAYA : Des ondes positives ? Ce que je vais leur dire c’est d’accumuler de la densité dans la vie faut être dense, faut être puissant parce que dans tout rapport il n’y a que des rapports de force donc il faut qu’elles soient denses et quand tu dois être dense ça passe par l’acquisition de connaissance tu vois, comme l’a dit cheikh Anta Diop « armons nous de savoir » et il ne faut pas qu’elles rechignent à lire, il faut beaucoup lire, Donc j’invite les jeunes femmes à accumuler de la densité pour avoir une meilleure approche des sujets  qu’elles abordent dans leur musique, pour avoir une approche beaucoup plus profonde, beaucoup plus intelligente des sujets et même des causes qu’elles vont défendre si jamais elles défendent des causes . Soyez denses, soyez puissantes, tu vois et moi c’est ce que je kiff, quand je vois une femme puissante je suis complètement fan.

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