« Il a vraiment été dans la rue » me suis je dis en visitant, ce samedi 13 février, l’exposition « Un si long voyage » de l’artiste ivoirien, Wadall. Dès les premiers tableaux , j’arrive à dégager deux idées: Afrique et Occident, Traditions et modernisme, Ouverture et frontière. Wadall revient de son « si long voyage » avec un bilan sans appel: Notre société part à la dérive.

Il développe son observation en présentant des personnages dans la rue. En effet Wadall a eu le temps d’être l’observateur privilégié de cette rue dans laquelle il a vécu une bonne partie de sa jeunesse, non pas par contrainte mais par choix. Issu d’un père aisé, il aurait pu se soumettre à la sévérité d’une belle mère difficile, mais sa témérité et son besoin de respirer l’ont poussé à partir à l’âge de 15 ans. Il a donc été à l’école de la rue, de la vie. D’ailleurs il est autodidacte. L’Art, il ne l’a pas appris. Il lui est venu, et il l’a exercé, l’a perfectionné aux côtés de devanciers, pour en arriver à une signature personnelle. 
« Il se distingue de beaucoup de peintres africains qui veulent faire du Basquiat. Sa peinture lui ressemble. Elle vient de lui. »
François Gibaud, avocat et président de la Fondation Dubuffet

En effet l’univers de Wadall, il ne l’emprunte à aucun artiste. D’ailleurs, il se refuse à caser son Art dans un genre, un courant, une technique. Je me suis donc gardée de parler de figuratif contemporain. Wadall n’est pas figé dans un genre de toutes les façons. Parfois des couleurs, d’autres fois des tons, il est libre. Ce qu’il veut montrer c’est sa réflexion sur notre société, et cette volonté surpasse tout. Mais si le fond prime, on ne saurait ignorer la forme, car elle est agréable.
J’ai particulièrement apprécié ses croquis. Le mouvement des personnages, leur lourdeur, leur nonchalance, ressentis dans chaque dessin. Ce sont différentes situations qui expriment la même idée : La société actuelle est dépitée, perdue. Ici un homme en détresse dans la rue est invisible. Un autre se laisse avachir dans son quotidien sombre pendant que son semblable se recroqueville à l’abri de sa propre réalité. Tout dérape sous nos yeux.

On peut découvrir dans l’œuvre de Waddall plusieurs sujets dont ceux qui touchent à sa culture, les statuettes et les masques africains. Sa palette fait alterner les tons chauds et froids, les tons purs accentuant l’éclat de la lumière sur ses toiles. 
Simone Guirandou, Directrice LouiSimone Guirandou Gallery

Les crises s’enchaînent face à l’indifférence. On est décalés face à nos réalités. Cette jeune femme dans les rues d’Abidjan accaparée par son smartphone, habillée comme une occidentale, ne voit pas le monde qui l’entoure. Elle est déconnectée de sa propre culture. Le vieillard assis avec son bagage de fortune veut partir, fuir sa réalité pour un occident prétendument meilleur. Et tous prennent le bateau, tous prennent la mer. A la vie-à la mort, il faut passer les frontières.
Pendant ce temps dans le sens contraire; on brise les frontières sans périls et on triomphe avec gloire, on s’installe et on s’impose. C’est bien la lecture que j’ai faite du tableau avec un Président Chirac (Icône de la France-Afrique) en fraudeur, passant la gare par effraction. Ici, comme pour d’autres tableaux, Wadall a mixé collage et peinture. 

A grands coups de crayon, Waddall  entame une  série de  dessins dénonçant les conséquences dramatiques d’un monde qui s’effondre. 
Simone Guirandou, Directrice LouiSimone Guirandou Gallery
Son crayon aura dessiné l’une de mes pièces favorites « Impuissante devant la mer ». On peut y voir une femme en maillot de bain faisant face à la mer. A sa surface, se dévoilent des corps inertes presque effacés, presque oubliés. Wadall crie au déphasage de notre société. Cette société qui s’ouvre et se ferme de façon illogique.
Impuissante devant elle
Faites un tour à la Galerie visiter l’exposition qui dure jusqu’au 30 mars. Faites vous votre propre idée. Peut-être apporteriez vous un regard différent du mien. Notre ressenti est parfois fondé sur nos acquis qui diffèrent. L’Art a cette chose de relatif, dans les appréciations, qui rend les échanges enrichissants.

Mention spéciale
La Galerie LouiSmone Guirandou. Initialement localisée aux 2 plateaux Vallons, et appelée Galerie Guirandou Arts pluriels, Elle se situe maintenant à Cocody Mermoz.
Le lieu est aménagé avec goût. Il marie avec intelligence simplicité et originalité. Les meubles du designer sénégalais Ousmane Baye ne sont pas étrangers à tout ceci. Du plafond se diffuse des carrés de lumière du jour. Leurs reflets sur les installations contribuent à éblouir les yeux. Madame Guirandou, Professeur en Histoire de l’Art et propriétaire des lieux à offert un pan de sa maison pour la Galerie. Grande passionnée d’Art, elle possède une belle et consistante collection d’oeuvres. Le regard qu’elle porte sur l’Art en Côte d’Ivoire, forte de son expérience et de ses connaissances, est particulièrement intéressant. J’espère pouvoir avoir une interview avec elle pour le partager avec vous.
La Galerie Louisimone Guirandou
 
 
 

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