J’aime les vernissages. En dehors du cocktail et du caractère solennel de cette « première d’expo », il y a cette certitude de toujours rencontrer au moins trois amis, de discuter de tout et de rien, et surtout de l’exposition qui occasionne  ces retrouvailles. J’aime découvrir un nouvel artiste, avoir un plus pour ma culture. J’aime m’amuser à décoder des tableaux, des photographies ou des sculptures, quitte à me planter.
« Le rétroviseur ». Un accident marquera le peintre. Des interrogations sans réponses. Ce rétroviseur résumerait cet événement. Mais au delà je vois une rétrospective matérialisée par le rétroviseur en lui même.
 
Et combien surprenant il est de constater la relativité dans le regard, d’une personne à une autre. Cette relativité est d’autant plus remarquable avec l’art abstrait, celui que le peintre Yagor a exploité pour ces tableaux sur toile et métal et qu’il découvrait au grand public ce jeudi 11 septembre. Un ami plasticien qui m’avait rejoint à Le Basquiat Art Galery où se déroule l’exposition, disait familièrement ceci:  » Les artistes africains aiment trop l’art abstrait ». J’avais ressenti un ton de reproche mais je n’ai pas eu à demander un développement, il m’avait devancée.
Pour mon ami, ils choisissent la voie la plus facile, la moins risquée. Le résultat est certes admirable, mais cela ressemble plus à une façon d’échapper à d’éventuelles critiques tenant à la précision du tracé, au remplissage, à la lumière… Bref, personne n’oserait critiquer techniquement de l’abstrait. C’est de l’abstrait. Il est adaptable à toute sensibilité. Je l’ai compris. Mais je pense aussi qu’il est ingénieux pour un peintre de réussir à faire ressortir dans ce qui paraît abstrait une histoire claire, celle qui est la sienne. Si comme répliquait mon ami, certains peignent d’abord avant d’en sortir une quelconque définition philosophique, d’autres artistes partent de quelque chose de précis. Les interprétations diverses qui peuvent en sortir ne sont que subsidiaires sinon complémentaires.
« Le trois fois grand ». si je suis sûre de voir dans ce tableau un homme face à pleins d’interrogations (les calculs), des problèmes sans solutions, je n’ai pas su cerner le rapport avec le titre du tableau. Vos propositions sont sollicitées
 
Yagor a magnifiquement exprimé une histoire, un état d’esprit en engendrant ces tableaux parsemés de formules mathématiques. D’ailleurs il fait du figuratif. Ces formules mathématiques qui lui sont venues d’un fait banal de son quotidien et qui ont ouvert la porte à une création extraordinaire, ces bouches grandes ouvertes qui lui sont venues d’un fait moins ordinaire…. Deux pièces de son exposition m’ont arrêtée: « Le rétroviseur » et « Le trois fois grand ». 
Saliou est le sculpteur de cette exposition qui étonne. Par sculpture, j’avais impulsivement compris modelage. Mais la sclupture, c’est aussi la soudure, l’assemblage. Gnambodé Saliou a assemblé de l’insolite. Il a restauré, ressuscité. Une des convives affirmait qu’il devrait travailler en rue afin que les gens puissent profiter de cette leçon de vie. C’est moi qui définit son travail comme « une leçon de vie ». Partir de rien pour sortir du grand.
Gnambodé n’est pas que sculpteur. Mais c’est cette facette de l’artiste qu’il nous offre en exposition pendant un mois. Et puis franchement, rien de surprenant dans le fait qu’il puissent polyvalent. Quand on est capable de réfléchir et de concevoir ça, on peut probablement tout.
Gnambodé le dit: Il est parfois assimilé à un fou pendant son travail de création. Collecter des déchets, les manipuler avec obsession, dire que l’on travaille… Il faut être patient, il faut être humble, rêveur, obstiné, courageux, pour entreprendre l’art de Saliou. Le résultat est admirable. Se dressent devant vous des corps harmonieux, humains, brillants, faits de casseroles rouillées, trouées, de morceaux de ventilateurs, d’ustensiles de cuisine. Voyez l’utilité de son art. Il n’y a rien d’aventureux à affirmer qu’il participe à l’entretien de l’environnement. Son travail de recyclage est indiscutable.
Après deux canapés et un verre de tomidji*, j’ai dû rentrer en me promettant de vous faire un retour de mon expérience. Au risque de me répéter, Saliou et Yagor exposent à Le Basquiat Art Galery, à Abidjan riviera 2, jusqu’au 11 Octobre. Vous pouvez aller vous faire votre idée.
Bonne pensée pour ma collègue Yasmine qui visitait pour la première fois une exposition et qui s’est avérée avoir un regard naturellement averti. 
* Boisson naturelle typiquement africaine à base d’un fruit appelé « tomi » chez moi.

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